Les pilotes du Cap-Breton

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Capitaine Dennis Dorey

On compte quatre ports/zones de pilotage obligatoire en Nouvelle-Écosse: on en retrouve trois au Cap-Breton (Canso, Sydney et le Lac Bras d’Or) et un/une sur la partie continentale, soit Halifax. À l’heure actuelle, neuf pilotes brevetés desservent à temps plein les principaux ports et zones de pilotage obligatoire du Cap-Breton. Le gouvernement fédéral, avec la collaboration des pilotes et de l’industrie, a établi ce niveau de dotation qui reflète les volumes de trafic actuels et prévus.

Les pilotes des principaux ports doivent satisfaire ou dépasser l'exigence minimale de capitaine voyage local. Ce sont des officiers hautement qualifiés comptant de nombreuses années d'expérience en mer et une formation nautique approfondie. Les critères essentiels de leur succès: une connaissance des voies navigables locales ainsi qu’une formation spécialisée et ciblée durant toute leur carrière.

Les pilotes montent habituellement à bord des navires à l’aide d’une échelle de pilote en cordage, à moins qu’elle ne soit jumelée à une échelle de coupée, et grimpent souvent jusqu’à 9 mètres de hauteur le long du flanc du navire. Faire monter des pilotes à bord ou les faire descendre est toujours une opération risquée, et encore plus lors d’une navigation de nuit et dans des conditions défavorables de météo. Une fois les pilotes à bord, ils se rendent sur la passerelle où ils prennent la conduite du navire jusqu’à ce qu’il ait complété son transit au sein de la circonscription de pilotage ou ait accosté de façon sécuritaire.

Les pilotes du Cap-Breton soutiennent le développement économique et la sécurité de la navigation, en contribuant aux projets des secteurs gouvernementaux et privés, grâce à leurs compétences en matière de techniques de navigation. Ils ont ainsi participé au rapport d’examen TERMPOL sur les projets Goldboro GNL et Bear Head GNL, aux modifications apportées aux infrastructures actuelles du port, comme les travaux d’approfondissement du port de Sydney, et à d’autres projets, tel le projet de démonstration du Plan de protection des mers (PPO), c.-à-d., PPO météorologie/port de la baie de Chedabouctou. Un pilote du Cap-Breton siège au conseil d’administration de la Strait Superport Corporation qui compte des volontaires représentant les divers intérêts du détroit de la région de Canso.

Île du Cap-Breton
Île du Cap-Breton


La désignation en tant que zone de pilotage obligatoire dépend des degrés locaux de risques à la sécurité de la navigation et prend en compte un certain nombre de facteurs comme :

  • Le niveau de difficultés et de risques aux approches et à l’intérieur du port lui-même.
  • Le nombre de mouvements de navires et leur manœuvrabilité, ainsi que leur taille.
  • La conception des quais, ainsi que l’espace réel disponible pour les manœuvres.
  • La nature de la cargaison transportée, c.-à-d. pétrole, gaz, explosifs, matériel dangereux; et
  • Les préoccupations environnementales et la préservation de l’écosystème.
Zones de pilotage obligatoire

Canso

Il est difficile d’imaginer un port en eau profonde plus optimal que celui du détroit de Canso. Il sépare physiquement l’Île du Cap-Breton de la partie continentale de la Nouvelle-Écosse et offre un accès maritime commercial à la fois en provenance du golfe du Saint-Laurent, par le canal de Canso, et directement de l’Atlantique Nord, par la baie de Chedabouctou.

Canso est une des principales plaques tournantes portuaires en matière d’énergie. Sa proximité des routes maritimes intérieures et internationales jumelée à des eaux très profondes en fait un endroit idéal pour manutentionner du pétrole brut et des produits pétroliers d’importation et d’exportation. La géologie autour de la zone du détroit s’avère riche en agrégats et en terres boisées qui sont des produits clés d’exportation. Les navires à fort tirant d’eau peuvent y accoster et se charger au maximum de leur capacité en toute sécurité, ce qui permet aux clients portuaires d’en dégager de plus grandes économies d’échelle.

Le détroit de Canso et la baie de Chedabouctou sont libres de glace. Les navires qui entrent dans la baie de Chedabouctou ou en sortent doivent se soumettre à un procédé obligatoire de séparation du trafic. Le tirant d’eau de contrôle dans les couloirs de trafic est de 28m. Le détroit se situe à 27 milles nautiques entre les stations de pilotage nord et sud et dispose d’une profondeur utile de 24m. Il est encadré par les communautés d’Inverness County, de Richmond County, de Guysborough County, de Port Hawkesbury, de Port Hastings et de Mulgrave.

La chaussée de Canso et le pont (tournant) de Canso sont les seuls liens permanents entre la partie continentale de la Nouvelle-Écosse et l’Île du Cap-Breton. La chaussée s’étend dans l’eau sur 1,4km et compte 66m de profondeur en son point le plus profond. Le pont (tournant) de Canso a une longueur de 94m et permet aux navires de type Seawaymax d’atteindre la chaussée afin de traverser l’écluse. La Garde côtière canadienne, qui exploite le canal, estime que le passage par le détroit permet aux navires d’économiser du temps et de réduire les coûts en carburant, en retranchant 70 milles nautiques à un voyage jusqu’à Montréal et 171 milles nautiques à un voyage jusqu’à Charlottetown, car ils n’ont pas à faire le tour de l’extrémité du Cap-Breton. Visitez le site-web du Canal de Canso, et voici le lien vers un échange typique d'information entre les pilotes et capitaines pour la région de Canso.

Île du Cap-Breton
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Les défis de navigation

Les pilotes du Cap-Breton possèdent les compétences requises pour manœuvrer des navires dont la taille, la manœuvrabilité et la cargaison varient, c.-à-d., des navires pétroliers de taille VLCC à ULCC, des transporteurs de vrac de taille jusqu’à Capesize, des autodéchargeurs, des manœuvres de remorqueurs et de barge, des transporteurs de marchandises diverses, des navires de croisière (Sydney) et des yachts privés. Ils manœuvrent également des navires qui transportent des cargaisons liées à des projets, comme des plates-formes pétrolières semi-submersibles et des navires submersibles transporteurs de colis lourds. On compte 18 quais dans le district de pilotage du Cap-Breton, soit 9 postes de mouillage désignés dans le détroit de Canso et 2 postes de mouillage à Sydney, au port de Sydney, dans la baie de Chedabouctou, le détroit de Canso, le canal de Canso, le canal de Saint-Pierre et le pont de Seal Island.

Dans le cas des navires en provenance de l’Atlantique Nord, la baie de Chedabouctou offre un accès d’une largeur de 9 milles nautiques entre Green Island et le cap de Canso. Lorsqu’ils montent à bord ou descendent des navires du côté ouest de l’Atlantique, les pilotes doivent parfois faire face à une mer très agitée et à de fortes houles.

Le principal corridor de circulation à travers la baie mène au détroit de Canso, en passant par de multiples îles, anses et rochers. Plusieurs de ces rochers sont à fleur d’eau où la mer vient se casser. L’épave du navire pétrolier M.V. Arrow gît près du rocher Cerebus Rock et rappelle sobrement la raison pour laquelle la sécurité doit être la priorité numéro un dans le transport de matières dangereuses. Il est fréquent de retrouver, aux approches de la baie de Chedabouctou et dans la baie elle-même, des embarcations et du matériel de pêche.

Les navires qui arrivent du golfe Saint-Laurent entrent par le canal de Canso qui est adjacent à la chaussée Canso. Afin que les navires passent du golfe au détroit, on fait pivoter le pont tournant du canal Canso, ce qui interrompt la circulation sur une section de la route transcanadienne et la voie ferrée qui relie la partie continentale de la Nouvelle-Écosse au Cap-Breton. L’écluse de Canso a une longueur de 250m et dispose d’une profondeur minimale de 9,1m. Elle est une voie commerciale importante, surtout durant la saison de navigation dans la voie maritime du Saint-Laurent.

Lorsque les navires arrivent du Sud, ils entrent dans l’écluse de Canso sans mur de guidage et doivent parfois recourir aux services d’un remorqueur. Tout navire qui peut franchir la voie maritime du Saint-Laurent peut utiliser le canal de Canso (« Seawaymax »). Seawaymax fait référence à la taille maximale d’un navire que les écluses des canaux de la voie maritime du Saint-Laurent peuvent accueillir. La chaussée de Canso et le pont de Canso sont des infrastructures essentielles au mouvement des personnes et des biens. Les pilotes du Cap-Breton ont une immense responsabilité, puisqu’un accident pourrait couper l’accès routier et ferroviaire entre le Cap-Breton et le reste de la Nouvelle-Écosse, en plus de perturber le transport des marchandises qui passent par le canal à destination du Canada central.

Le 5 décembre 2003, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté des « Directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d’assistance (résolution A 949 (23) ». Canso est un port de refuge, de sorte que les pilotes peuvent être appelés à monter à bord et à piloter des navires endommagés ou aux prises avec des ennuis mécaniques ou autres.

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Le trafic

Plusieurs personnes ignorent que compte tenu du tonnage total de mouvements (volume de marchandises que manutentionnent chaque année les installations portuaires), Canso est un important port canadien dans la manutention de produits en vrac à savoir, le pétrole brut, les produits pétroliers, les agrégats de construction, les produits en papier, le charbon et le sel de voirie. Selon la Strait Superport Corporation, Canso traite environ 61 % du tonnage international et intérieur de marchandises de la Nouvelle-Écosse.

Les installations de transbordement et d’entreposage de NuStar Energy traitent du pétrole brut et des produits pétroliers. Elles peuvent répondre aux besoins de navires pétroliers transportant jusqu’à 350 000 tonnes de port en lourd. On charge le produit d’exportation sur de plus petits pétroliers qui le redistribuent alors au Canada atlantique ou dans des ports de la côte est américaine. Les transporteurs de vrac qui livrent du charbon à la centrale électrique de Point Tupper en Nouvelle-Écosse varient de taille allant jusqu’à celle d’un Panamax de 75 000 tonnes de port en lourd, bien que le quai puisse répondre aux besoins de navires de plus grosse taille dont le tirant d’eau peut atteindre jusqu’à 17 m.

La carrière de Porcupine Mountain qui est exploitée par Martin Marietta Materials Canada est une des plus importantes carrières de produits d’agrégats de construction au Canada et une des plus importantes carrières de pierres d’eau de marée en Amérique du Nord. Les navires varient de taille allant jusqu’aux transporteurs de vrac de type Panamax de 75 000 tonnes de port en lourd. Port Hawkesbury Paper répond surtout aux besoins des transporteurs de marchandises générales de 35 000 tonnes de port en lourd. Les terminaux maritimes Mulgrave se chargent avant tout des navires de marchandises générales. Le reste de la circulation maritime se compose de petites embarcations de pêche, de remorqueurs et de barges. Et il existe de nombreux clubs nautiques dans la région.

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Sydney

Le port de Sydney est situé sur la côte est de l’Île du Cap-Breton. On y accède depuis l’Atlantique Nord par le détroit de Cabot, entre Cranberry Point et Low Point. Le port est une anse en forme de « Y » qui coule vers le sud-ouest sur environ 5 miles nautiques, jusqu’à Port Edward, où il se divise entre le North West Arm et le South Arm. La station d’embarquement des pilotes se trouve dans le détroit de Cabot, à 4,5 milles nautiques au nord du phare de Low point.

De sa base dans le North West Arm, Marine Atlantic exploite toute l’année un service commercial de traversier entre North Sydney et Terre-Neuve. Les principales installations portuaires qui répondent aux besoins du transport maritime commercial se trouvent dans le South Arm. Elles comprennent l’International Coal Pier, l’Atlantic Canada Bulk Terminal, le Sydport, le Sydney Marine Terminal et le Joan Harriss Cruise Pavilion. Le port de Sydney a une longueur de 16 km, de Cranberry Point à la pointe la plus australe de South Arm. Le tirant d’eau de contrôle dans le chenal principal de transport est de 11,58 m.

Sydney est la plus grande région urbaine de l’Île du Cap-Breton. Son port offre un accès facile aux navires qui sillonnent les voies commerciales internationales de l’Atlantique Nord ou les voies commerciales provenant des Grands Lacs/Voie maritime du Saint-Laurent et du Canada atlantique. Voici le lien vers un échange typique d'information entre les pilotes et capitaines pour la région de Sydney.

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Les défis de navigation

Un des principaux défis de navigation réside dans l’absence de services de soutien en matière d’exploitation des ports. Il n’existe en effet aucun capteur météorologique et hydrographique de haute résolution permettant de prévoir la météo et l’état de la mer dont disposent les pilotes dans les autres principaux ports de pilotage obligatoire du Canada atlantique. Pouvoir prévoir des fenêtres de manœuvres sécuritaires destinées aux passages et aux manœuvres des navires accroît non seulement la sécurité, mais également l’efficience des ports. Cela représenterait un avantage pour Sydney, particulièrement en matière de manœuvres des navires de croisière qui disposent de grandes surfaces de fardage, dépendent des ravitailleurs et dépassent parfois la longueur des quais. Il n’existe non plus aucun service dédié de remorqueurs à Sydney. Il pourrait cependant s’y trouver des remorqueurs en arrêt temporaire forcé au port auxquels, si le moment s’avère opportun, les pilotes pourraient recourir.

D’autres défis à la navigation incluent: (1) le port de Sydney est totalement exposé au nord-est. Durant et après des systèmes orageux qui produisent des vents du nord-est, l’état de la mer au port est plutôt agité; (2) il est ouvert toute l’année et au printemps, il pourrait requérir les services d’un brise-glace; et (3) en 2012, le fédéral, le provincial et le municipal ont financé le dragage du chenal jusqu’à une profondeur de 16m. La Garde côtière canadienne est à concevoir de nouvelles aides à la navigation. Celles qui existent déjà sont conçues pour le chenal d’avant-dragage et ne sont donc pas adaptées aux nouvelles.

Le trafic

Le transport maritime commercial constitue le principal type de trafic que l’on retrouve dans la zone de pilotage de Sydney. Il opère à partir des installations portuaires du port de Sydney. Le trafic maritime commercial se compose principalement de navires de croisière, de transporteurs de marchandises générales et de vrac, de navires pétroliers et de cargaisons liées à un projet. Le port de Sydney est situé à l’intérieur d’une zone désignée comme zone franche canadienne. Le traversier de Marine Atlantic (qui ne requiert pas de pilote) est également en exploitation à partir de North Sydney.

Sydney est un port d’escale de croisière prospère, de la fin d’avril à la fin d’octobre, alors qu’il est coutumier d’y voir de nombreux navires de croisière au port la même journée. On y retrouve une très vaste clientèle voyageant à bord des navires des principales compagnies de croisière, du plus petit opérateur spécialisé aux grandes enseignes de marché de masse. Cent dix-neuf escales de navires de croisière avaient été programmées en 2020, avant qu’on annule la saison en raison de la COVID-19. On compte 2 quais réservés aux navires de croisière, soit le Sydney Marine Terminal et le Joan Harriss Cruise Pavilion, en plus des services de ravitailleurs.

Le port a traditionnellement été un port de transporteurs de marchandises générales et de vrac pour des produits tels que le charbon, les agrégats, les produits forestiers et les produits pétroliers. Plus récemment, le port de Sydney a investi des ressources dans son projet NOVAPORTE qui vise à construire un nouveau terminal intermodal pour répondre aux besoins des ultra gros porte-conteneurs (UGPC) de plus de 18 000 EVP.

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Les champs de compétences particulières des pilotes

Les compétences requises des pilotes d’aujourd’hui ne cessent de s’accroître. Les avancées en matière de technologie n’ont pas diminué leur rôle. La présence d’un pilote à bord, qui est un spécialiste issu d’une communauté locale, a pour but de préserver la sécurité du public et de l’environnement, en plus de promouvoir l’efficience du port. Piloter en assurant la sécurité de la navigation et accoster des navires massifs requièrent une grande précision et des compétences aguerries. Les pilotes maintiennent également une vigilance constante sur les conditions météorologiques et l’état de la mer qui ont une influence sur la dynamique des navires, le dégagement vertical (sous le pont Seal Island), le fardage, les courants, les marées et la circulation dans la voie navigable. Les pilotes du Cap-Breton sont experts en matière de navigation dans les glaces, de navigation de nuit, de navigation en visibilité réduite et en guidage de remorqueurs et de barges lors des manœuvres d’escorte et d’accostage.

Les pilotes du Cap-Breton adoptent les nouvelles technologies lorsqu’elles améliorent la sécurité. Ils apportent à bord leur unité portable de pilotage (PPU) qui contient les données et relèvements hydrographiques les plus récents. Ils sont heureux de collaborer avec Transports Canada, Environnement et Lutte aux changements climatiques Canada, et autres parties intéressées au projet de gaz du Plan de protection des océans en matière de météorologie et de port qui utilise deux bouées intelligentes dans la baie de Chedabouctou, afin de pronostiquer les conditions météorologiques et portuaires, et de prévoir des fenêtres de manœuvres sécuritaires destinées aux passages et aux manœuvres des navires.